Jeux « sérieux », méthodes d’évaluation… quelle sera la pédagogie de demain ?

Vous pensez aux « notes » quand on vous parle d’évaluation ? Vous pensez « divertissement » lorsqu’on vous parle de « jeux » ? C’était peut-être le cas, mais la société n’a cessé d’évoluer… et la pédagogie aussi ! Nous avons interrogé Cynthia EID, directrice de la pédagogie et de l’innovation et ambassadrice de l’Institut supérieur Maria Montessori au sein du Groupe IGENSIA Education pour en savoir plus sur l’avenir de la pédagogie et les grandes évolutions à venir. 

Actualité avenir pédagogie

De « nouvelles » techniques d’apprentissage

« Le monde bouge sur tous les plans, que ce soit sur le plan sociétal, financier, économique, diplomatique, et la pédagogie n’est pas en reste. Elle doit être le reflet de l’évolution de la société, sinon on rate la vocation même de la pédagogie, qui est celle d’évoluer par la société et avec la société » nous explique Cynthia Eid. Or, la société évolue vite, ces dernières années sont marquées par des changements majeurs : avènement du travail à distance ou hybride, montée en puissance de l’IA, arrivée sur le marché du travail de la Gen Z, de ses codes et de ses valeurs… et bien d’autres encore. Ainsi, les techniques d’apprentissage sont-elles aussi obligées d’évoluer. « On parle de stratégies d’apprentissage actif, mais on devrait parler de plutôt de stratégies inter-actives. Autrefois, l’apprentissage reposait sur les épaules de l’enseignant, aujourd’hui, c’est une co-responsabilité, une responsabilité mutuelle ». Il ne s’agit pas seulement d’avoir une tête pleine prête à recevoir les informations sélectionnées par l’enseignant. Ce dernier doit trouver le bon moyen et le bon moment d’amener les enseignements souhaités, et l’apprenant doit prendre entièrement part au processus d’apprentissage « c’est un citoyen éclairé et non un réceptacle d’informations. En découle une pédagogie (inter)active où le formateur est un coach, un facilitateur, qui va trouver les meilleures stratégies pour mettre l’apprenant au centre de son apprentissage et lui permettre de s’épanouir dans son parcours ».

La pédagogie du défi

Un bon exemple de ce qui est expliqué dans le paragraphe précédent est l’avènement de la pédagogie du défi. « L’apprenant va devoir résoudre un défi complexe donné par l’enseignant avec ses pairs. Il ne fait pas que recevoir, il se crée son propre savoir, avec ses collaborateurs et avec la technologie. L’enseignant n’est plus la référence, comme il l’était autrefois, mais un facilitateur, un moyen, pour accompagner l’apprenant ».

La pédagogie inversée

Avez-vous déjà entendu parler de pédagogie inversée ? « C’est quand on inverse le paradigme habituel des apprentissages et des enseignements. Autrefois, on écoutait l’enseignant en cours et le soir on faisait les devoirs ». Mais on peut rapidement tomber sur un exercice ou une analyse qui nous pose problème et sans aide, difficile d’avancer. La solution ? Des devoirs à l’école et les cours à la maison. Parce qu’on n’écoute pas toujours en cours et que chacun a un rythme de compréhension différent, alors mieux vaut tranquillement étudier les cours à la maison. « Ce qu’autrefois l’enseignant faisait en salle de classe, on va le faire à la maison : écouter une vidéo explicative, lire un document, interpréter une image ou faire une recherche ». « Une fois en cours, on s’attaque aux fameux devoirs complexes sous forme de résolution de problème, avec une tâche complexe à résoudre seul, en binôme ou en groupe, et l’enseignant est là pour venir interroger sur ce qui bloque et donner des pistes ». Le but ? Limiter les taux d’échecs en donnant « la possibilité à ceux qui le veulent d’aller à leur rythme pour y arriver. L’important c’est d’arriver, la compétence, elle, ne change pas ». Cependant, la mentalité à adopter en cas d’échec, elle aussi évolue.

La pédagogie de l’erreur

On fait tous des erreurs et là où il était coutume de désapprouver, on choisit aujourd’hui de la considérer comme une manière à part entière d’apprendre. « Il vaut mieux récompenser que gronder, c’est parce qu’on fait des erreurs qu’on est capable d’apprendre. La performance c’est dans le faire, il faut une certaine mise en action avec les pairs ou seul ».

Les « serious game » ou jeux sérieux

Ils paraissent incompatibles avec la notion de travail, et pourtant ! Leur utilisation ludique représente une nouvelle façon d’enseigner et d’apprendre. On peut tout à fait apprendre en s’amusant, on apprend souvent même mieux qu’en écoutant. Puzzle, lego… tous ces jeux d’enfance peuvent être utilisés au sein de l’apprentissage. Ils peuvent par exemple être aisément liés à des domaines comme le marketing ou la communication au sein d’exercices de résolution de problèmes. « On peut parler de « flow », on ne voit plus le temps passer car on est absorbé par le jeu, dans notre expérience ». Pour en savoir plus sur les différentes manières de les utiliser, vous pouvez consulter l’article de Cynthia Eid sur le sujet en cliquant ici.

Vous l’aurez compris, le jeu est loin d’être réservé aux enfants, au contraire il peut être un bon moyen d’acquérir des connaissances nécessaires à notre vie d’adulte, tout en gardant une âme jeune et dynamique. Comme le dit si bien Cynthia Eid : « Nous ne cessons pas de jouer parce que nous sommes vieux ; nous devenons vieux parce que nous cessons de jouer ». De la même façon, les histoires sont un excellent moyen d’apprentissage. Tout le monde aime en écouter et « le storytelling est une technique d’apprentissage qui individualise et personnalise l’apprentissage par rapport aux pairs ».

En fait, ce que recherchent les apprenants c’est à être stimulés « les jeunes veulent vivre une expérience, l’enseignement devrait être une expérience, un voyage pour chaque apprenant, à vivre à son rythme et avec les bagages qu’il souhaite apporter avec lui ».

Une redéfinition des méthodes d'évaluation

L’évaluation ipsative

Dans la refonte profonde de la pédagogie au gré des évolutions de la société, les méthodes d’évaluations occupent une place cruciale. « Si on change l’environnement, il faut changer le concept de l’évaluation. Quand on pense évaluation, on pense généralement à l’évaluation sommative, c’est-à-dire celle accompagnée d’une note, mais souvent cette note fige l’apprenant. Personnellement, je suis favorable à une évolution appelée ipsative, c’est-à-dire, qu’en tant qu’apprenant, je ne me compare pas aux autres, je regarde comment j’étais hier et j’essaye de me dépasser aujourd’hui pour être mieux le lendemain ».

La révolution de l’IA

Nul ne peut aujourd’hui nier l’impact énorme de l’émergence de l’IA, sur la société et sur la pédagogie. Il y a juste à constater à quel point ChatGPT a altéré la manière de travailler et le temps passé à cet effet des apprenants. Ainsi selon Cynthia Eid, « on ne peut plus évaluer comme avant, on doit prendre en compte l’avènement de l’IA ». Si l’écrit est compromis alors « il faudrait évaluer à l’oral plutôt qu’à l’écrit. De cette manière, on fait passer l’apprenant du statut de consommateur de l’IA à un statut de cocréateur avec l’IA ». Plutôt que subir l’arrivée de l’IA, mieux vaut s’adapter et même valoriser sa présence au sein de l’enseignement. « Il ne faut pas avoir peur de l’IA en tant qu’apprenant, mais aussi en tant qu’enseignant, il faut plutôt la voir comme un assistant (corriger des copies, créer des plans de cours…). C’est une chance ».

Mais encore faut-il bien tirer parti de cette chance. « Il faut garder à l’esprit que l’IA est un bébé qui apprend très vite », il faut repenser l’apprentissage et les méthodes d’évaluation sur le long terme et surtout prendre en compte le fait que « les apprenants ne sont pas experts, il faut les orienter, les évaluer dans le processus de création sinon l’utilisation de l’IA sera faussée ».

C’est quoi, l’école de demain ?

On l’aura bien compris, le monde pédagogique est en pleine effervescence. Mais alors c’est quoi l’école de demain ? Quel portrait dresser de toutes ces évolutions ?

L’enseignant de demain

Il est difficile de parler de l’école de demain, sans évoquer l’enseignant de demain, qui est son centre. « Désormais, l’enseignant n’est plus la source du savoir, mais celle de la motivation, l’ingénieur pédagogique qui va préparer l’architecture d’un cours stimulant amenant une expérience "inoubliable" auprès des usagers. L’avenir de l’école de demain c’est d’avoir un enseignant multitâche, multifonction, qui puisse toucher le cœur des apprenants et pas seulement leurs cerveaux, mais aussi être coach, mieux comprendre la technologie, quelqu’un qui peut faire du storytelling et transposer ça dans la vie de l’apprenant ».

Une école humanisme

« L’école de demain c’est une école qui bouge, qui travaillera sur les expériences, sur l’environnement. L’IA grandira et l’école grandira aussi à travers le jeu, les expériences, toutes les techniques que j’ai soulignées plus tôt ».

L’école de demain pour Cynthia Eid, « c’est une école humaniste, où on consolide l’information ». On y acquiert des savoirs qui nous seront utiles non seulement pour notre vie professionnelle, mais surtout pour notre vie de citoyennes et de citoyens. On y apprend à réfléchir par soi-même et à prendre une part active aux évolutions qui nous entourent. « C’est une école qui est axée sur l’approche par les compétences, c’est une école qui s’inspire de l’entreprise, c’est une école qui met en valeur l’apprentissage par erreur ».

C’est une école où on utilise le numérique comme levier pour avancer ensemble, renforçant un apprentissage collaboratif, « mais au rythme de l’apprenant au sein de communautés de pratiques, par les pairs et avec les pairs. L’innovation est importante, s’entraider, socialiser, travailler sur l’intelligence collective, la gamification, bref l’école du futur c’est l’école où on apprend à apprendre tout le long de la vie, c’est un jardin de l'esprit où la curiosité fleurira librement, nourrie par des apprentissages personnalisés et une technologie au service de la créativité. Elle sera un phare d'espoir, illuminant des chemins d'inclusion et de bien-être pour tous les apprenants, une oasis de savoir où chacun trouvera sa place et s'épanouira pleinement ».

 

Rédactrice : Clotilde Chevalier 
Direction Communication Groupe IGENSIA Education

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