Comment votre physique peut-il affecter vos chances à l’embauche ?
Avez-vous déjà eu le sentiment désagréable que votre apparence physique posait problème dans un entretien d’embauche ? Avez-vous déjà vécu des discriminations, des remarques déplacées, ou même vu votre profil écarté à cause de signes qui ne devraient pas être pris en compte ? Si vous vous demandez souvent comment vous habillez pour un entretien d’embauche, il existe malheureusement des traits physiques contre lesquels on peut difficilement lutter. Quel rôle l’apparence joue-t-elle au moment de l’embauche ?
Le physique, un réel facteur de discrimination ?
Ce que dit la loi
Si on regarde simplement ce que dit la loi, les choses sont très claires : la discrimination à l’embauche est une pratique totalement répréhensible. En effet, cette dernière consiste à traiter de manière inégale et défavorable des candidats, sur la base de critères qui n’ont pas de rapport direct avec les compétences ou les qualifications requises pour le poste en question. Mais il ne s’agit pas seulement d’une question d’éthique, elle est aussi considérée comme illégale. L’article L1132-1 du Code du travail français interdit toute forme de discrimination en matière d’emploi. Aucune personne ne peut être défavorisée à l’embauche en raison de certains motifs de discrimination définis par la loi comme le sexe, la religion, l’âge ou l’apparence physique. Les employeurs qui enfreignent cette loi risquent des sanctions sévères, qui peuvent aller de lourdes amendes à des peines de prison. L’apparence physique englobe des critères comme la silhouette, la corpulence, les traits du visage ou un handicap visible, mais aussi les vêtements, la coupe de cheveux et le maquillage.
Des chiffres implacables
Pour autant, on le sait bien : ce n’est pas parce que c’est illégal que cela n’existe pas, loin de là ! Les jeunes sont particulièrement sensibles à ces pratiques discriminantes, c’est du moins ce que révèle l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans la 14e édition de son baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi.
Pour les jeunes âgés de 18 à 34 ans, un sur trois (37 %) rapporte avoir déjà vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière. L’apparence physique arrive en deuxième position des critères de discrimination (63 %), juste après l’origine ou la couleur de peau. Elle est ainsi plus prononcée chez les jeunes que dans l’ensemble de la population active (38 %). Parmi eux, les femmes ont tendance à être plus touchées que les hommes. 29 % signalent en avoir souffert, contre 20 % des hommes.
Quels sont les critères de discrimination physique ?
Comme vu plus haut, l’apparence physique englobe un grand nombre de critères, rendant parfois floue la notion de discrimination physique. En 2019, le Défenseur des Droits a défini 4 critères majeurs :
Le surpoids ou l’obésité
Ça fait de nombreuses années maintenant que la minceur est reconnue comme un critère de beauté. Elle est présente partout, les magazines de mode, les réseaux sociaux, les panneaux d’affichage… Le culte du corps continue de prospérer, conduisant de nombreux recruteur à le rechercher plus ou moins volontairement.
Le poids est un des éléments physiques les plus visibles. Les personnes dont le poids n’est pas jugé conforme aux normes de beauté ont un risque d’être écartées d’un poste, même si elles possèdent les compétences requises. Cette discrimination touche particulièrement les femmes. Ainsi, selon un rapport du Défenseur des Droits une femme obèse a 8 fois moins de chance d’être embauchée qu’une femme avec un IMC normal, contre 3 fois pour un homme.
La tenue vestimentaire
Il est normal de respecter certains codes vestimentaires quand on se rend à un entretien d’embauche, mais parfois ça dépasse le cadre des règles pour devenir de l’abus. En effet, ces codes doivent être justifiés par la nature des postes concernés et doivent être légitimes et proportionnés au but recherché. Pour vous aider à trouver la bonne tenue, vous pouvez lire notre article sur le sujet. Cependant garder à l’esprit qu’il y a des limites à ce qu’une entreprise peut vous imposer. Le Défenseurs des Droits insiste notamment sur le fait des codes reposant sur des stéréotypes de genre, qui exploitent par exemple le capital érotique des femmes, sont sexistes et discriminatoires.
La barbe, les tatouages et les piercings
S’ils étaient symbole de marginalisation il y a quelques années, aujourd’hui porter une barbe, des tatouages ou des piercings n’a plus rien d’insolite. Les phénomènes de mode de ces 10 dernières années, très présents notamment chez les jeunes générations, ont conduit à la modification de certains codes professionnels. Ainsi, les signes distinctifs physiques, comme les tatouages, piercings ou encore les cheveux teints, ne devraient pas être retenus comme des critères disqualifiants s’ils ne nuisent pas au travail en question. Pour autant, certains employeurs ont encore des aprioris sur le sujet et les considèrent comme choquants ou provocateurs. Ils peuvent donc être perçus négativement et impacter la sélection de candidats.
La coiffure
Les cheveux font l’objet de nombreuses discriminations, chez les hommes comme chez les femmes. Tout d’abord, esthétiquement on s’attend encore à ce que les hommes aient les cheveux cours et les femmes plutôt longs sous peine de risquer d’être catalogués comme « négligé » ou « garçonne ». Mais si ces stéréotypes peuvent souvent être aisément dépassés, d’autres se posent, dont ceux entretenus sur les cheveux texturés. Souvent considérés comme du laisser-aller voire de la saleté, ils sont très critiqués par les recruteurs. Pourtant, dans le monde, six personnes sur dix ont les cheveux bouclés, crépus ou frisés. Selon une étude menée par Dove et par LinkedIn :
- 2/3 des femmes noires changent leur coiffure pour un entretien d’embauche.
- 54 % des femmes noires ont le sentiment qu’elles doivent se lisser les cheveux pour obtenir un entretien.
- Celles qui abordent des cheveux texturés ont 2 fois plus de risque de subir des microagressions sur leur lieu de travail.
- + 20 % ont été renvoyées chez elles à cause de leur coiffure.
Par ailleurs, ceux, qui à défaut d’avoir des cheveux dits « non-conformes », n’ont pas de cheveux du tout sont tout autant lésés. D’après une étude réalisée par des experts d’Harvard, 6,2 % des personnes ne seraient pas à l'aise d'embaucher une personne atteinte d'alopécie.
Comment explique-t-on de telles discriminations ?
Mais si les chiffres sont aussi importants, et les critères clairs et bien définis, pourquoi n’en entend-on pas parler plus que ça ? Pourquoi ne se soulève-t-on pas plus contre de telles injustices ? Il y a plusieurs raisons à cela.
Aller dans le sens de la société
Il est toujours difficile d’aller à contre-courant du sens de la société. Défavoriser des personnes en raison de leur couleur de peau est considéré comme inadmissible, en revanche, lorsqu’il s’agit de la beauté, du poids, de la taille, les avis sont plus partagés. En effet, la société cultive l’idée globale que nous pouvons tous coller à un idéal prédéfini en faisant des efforts, en renonçant à certaines choses et en favorisant d’autres.
Ainsi, discriminer ceux qui « ne font pas assez d’efforts » pour coller à cet idéal acceptable devient presque un mal nécessaire, une « discrimination normalisée ». D’autant plus, que le nombre de critères pour l’atteindre est important et qu’il existe beaucoup de manières de passer à côté, beaucoup de manières d’être « non-conforme ». Il faudrait donc créer plusieurs groupes, avec plusieurs combats, pour plusieurs critères. Groupes qui commenceraient sur un tissu associatif presque inexistant en ce qui concerne les discriminations liées à l’apparence, pas d’actions historiques, pas de combat… Et puis pour cela, il faudrait reconnaitre qu’il y a des personnes jugées belles et d’autres laides, sujet délicat quand la beauté est censée être quelque chose de subjectif.
Plus beaux, plus riches ?
Les traits physiques influent donc sur le choix de la personne embauchée, mais pas seulement : ils influent aussi sur la négociation qui s’en suit, et donc sur le salaire ! Selon une étude américaine menée par des sociologues, les personnes considérées comme plus belles toucheraient 20 % de salaire en plus que les autres.
Bien que cela soit difficile de le montrer en France, à cause du manque d’études sur le sujet, ces inégalités existent et les personnes obèses sont statistiquement plus nombreuses chez les personnes pauvres que chez les riches.
Être obèse est donc devenu une sorte de marqueur social. Il en va de même pour les styles vestimentaires ou les coiffures, discrètement, l’apparence physique va accentuer la reproduction sociale, ce qui n’incite pas vraiment à faire bouger les choses. En effet, la discrimination entre dans un processus plus large, et dans un état d’esprit dont les recruteurs auront encore plus de mal à se décoller. Selon une autre étude américaine, aux Etats-Unis, les actifs hommes ou femmes jugés les plus attirants physiquement gagneraient en moyenne 160.000 euros de plus durant leur carrière que leurs collègues.
Comment lutter contre la discrimination physique à l’embauche ?
La discrimination physique est donc implantée et il est difficile de lutter contre son influence. Néanmoins, certaines mesures peuvent être mises en place pour promouvoir une approche basée sur les compétences plutôt que sur l’apparence.
- La sensibilisation : former les collaborateurs et les recruteurs à la discrimination et aux stéréotypes de beauté.
- La diversité dans le recrutement : favoriser l’inclusion et l’hétérogénéisation dans les processus de sélection.
- Les CV anonymes : pas facile à valoriser à une époque où la mode est aux CV vidéos et aux visios, pourtant supprimer les données personnelles (nom, âge, photo, adresse…) permettrait de réduire les préjugés liés à l’apparence ou à l’origine ethnique. C’est d’ailleurs déjà le cas aux Etats-Unis, où il est illégal de mettre des informations personnelles (comme l’âge ou une photo) sur un CV.
En résumé, la discrimination à l’embauche en fonction de l’apparence physique est un problème complexe, solidement implantée au sein de la société. Déjà interdit par la loi, il prospère pourtant, construisant de nombreux critères, causant du tort à de nombreuses personnes, culpabilisées et lésées dans leur parcours professionnel. Quelques solutions existent, mais ce qu’il faut surtout, c’est une prise de conscience générale de la nécessité de lutter ensemble contre cette forme de discrimination toute aussi destructrice que les autres.
Rédactrice : Clotilde Chevalier
Direction Communication Groupe IGENSIA Education